Le tireur présumé de l’attaque de Libération et de la Défense est un personnage mystérieux, ancienne figure de l’ultra-gauche. Il avait été condamné en 1998 dans l’affaire Rey-Maupin, au cours de laquelle 5 personnes avaient été tuées.
Par Charlotte BOITIAUX
C’est un fantôme des années 1990, "un homme énigmatique", selon son avocate de l'époque. Abdelhakim Dekhar vient de refaire surface dans le paysage judiciaire français. Le tireur présumé de l'attaque de Libération et de la Défense, confondu grâce à des analyses ADN, n’est pas vraiment un inconnu pour la justice française.
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L’homme venu des bancs de l’ultra-gauche française et des cercles anarcho-révolutionnaires, avait déjà été condamné à quatre ans de prison en 1998 dans l'affaire Rey-Maupin. A cette époque, Dekhar, surnommé "Toumi" avait – indirectement – participé à la fusillade qui avait fait cinq morts dont trois policiers en 1994, en plein Paris. Il avait été reconnu coupable "d’association de malfaiteurs" pour avoir fourni une arme au jeune couple Rey-Maupin.
C’est lui en effet qui a acheté le fusil à pompe que Florence Rey (19 ans) et Audry Maupin (23 ans) utiliseront lors d’une première attaque à Pantin, en banlieue parisienne. Nous sommes alors le 4 octobre 1994, il est 21h. Les trois jeunes amis, las de traîner dans les squatts insalubres de Nanterre (Hauts-de-Seine), décident de braquer la préfourrière de Pantin. Leur plan est simple : neutraliser deux gardiens de la paix et leur voler leurs munitions en vue de futurs braquages. Maupin et Dekhar se connaissent bien, ils fréquentent tous les deux les milieux de l’extrême-gauche radicale. Selon plusieurs témoignages, "Toumi" qui a endossé le rôle de "mentor" pour le couple Rey-Maupin, a même joué un rôle primordial dans le passage à l’action violente du jeune couple.
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Abdelhakim Dekhar, que "Le Parisien" décrit comme un homme d’une "sidérante discrétion", est chargé de faire le guet devant la préfourrière. Mais rien ne se déroule comme prévu et "Toumi", armé, prend rapidement la fuite, abandonnant ses deux complices. La suite est tragique. A 21h30, après avoir braqué un taxi, le jeune couple Rey-Maupin abat à Nation deux policiers et le chauffeur du taxi qui avait été pris en otage.
Acculés, les deux jeunes tireurs – surnommés les "Bonnie and Clyde" à la française – obligent ensuite un automobiliste à les conduire en direction de la porte de Vincennes. Une nouvelle fusillade éclate. Il est 21h45. Un policier est mortellement touché. Audry Maupin aussi. Il meurt quelques heures plus tard à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Florence Rey, que la presse surnommera "la tueuse de flics", est arrêtée.
Dekhar, un espion algérien ?
Lors du procès au cours duquel la jeune femme est condamnée à 20 ans de réclusion – elle a été libérée en 2009 après 15 ans de "détention exemplaire" –, Abdelhakim Dekhar nie les faits.
Florence Rey à son procès en 1998
Avec son compagnon Audry Maupin, Florence Rey, âgée de 19 ans, avait participé à une spectaculaire fusillade qui avait fait cinq morts à Paris, en 1994.AFP |
Pis, alors que tout l'accuse, il ira jusqu’à nier connaître le couple Rey-Maupin. C'est pourtant Florence qui le désigne comme le "troisième homme" de cette affaire. Manipulateur et mythomane, il tente de persuader la cour qu’il est en fait un espion, un agent en mission de la sûreté militaire algérienne, chargé d'infiltrer les milieux autonomes pour en débusquer d'éventuels intégristes à la solde du GIA algérien.
L'un de ses avocats, Me Raphaël Constant, se souvient d'un jeune homme "pas tout à fait inséré socialement" et qui disait souvent "qu’il avait été piloté par son oncle, responsable des services secrets algériens". Peu d’éléments biographiques viennent corroborer ses allégations. Il faut dire que la vie de Dekhar reste extrêmement secrète. Hormis sa date de naissance, le 24 septembre 1965, et sa participation, selon "Rue 89", à des manifestations contre la guerre du Golfe, en 1990, on ne sait presque rien de lui. "Il cultivait son propre mystère derrière d’épaisses lunettes carrées", écrivait en 1998 "L’Humanité".
Sceptique, la cour ne tient pas compte de son récit d'agent secret. À la suite du procès, "Toumi", condamné à la durée de sa détention provisoire, est libéré. Puis, il disparaît. Selon les premiers éléments de l'enquête, il serait alors parti vivre à l'étranger, peut-être en Algérie. A l’époque, son ADN n’avait pas été prélevé car "il n’y avait pas de fichier des empreintes génétiques", a précisé une source policière.
source: France24
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