Le Moudjahid Salah Mekacher vient de publier un livre, témoignage
de la guerre de la Révolution nationale contre le colonialisme français.
Dans ce livre publié à compte d’auteur, la nouveauté réside dans le
style d’écriture et le contenu du témoignage. Loin du style idéaliste
consistant à présenter et à donner une image classique de cette longue
guerre qui a opposé le peuple algérien à l’armée française.
Habituellement, l’on présente l’ALN (Armée de libération nationale)
comme étant le bloc soudé, homogène et idéal d’un côté, luttant contre
l’armée française. Ce livre qui témoigne de la vie dans les maquis entre
1957 et 1962, apporte des vérités troublantes sur les phases cachées de
la vie dans les rangs de l’ALN en plein combat pour l’indépendance.
Il est vrai que nulle guerre n’est propre. Il est vrai aussi que
l’indépendance a été arrachée après des sacrifices inestimables. Il est
vrai que la Révolution algérienne est l’une des plus belles dans
l’histoire contemporaine tout en valorisant tous ses aspects, tous ses
idéaux qui d’ailleurs témoignent eux-mêmes de la véracité et de
l’importance qu’ils acquièrent, l’auteur nous a livré à travers ce livre
ses témoignages aux sujets d’histoires d’affaires et d’embûches tramées
et colportées par l’armée française et ses services secrets pour
tenter de disloquer l’ALN et le FLN, dans le but de faire avorter et
saborder la glorieuse Révolution enclenchée depuis le premier novembre
1954.
L’auteur est une des victimes de la purge de bleuite
L’une des pages noires de la révolution algérienne reste l’affaire dite
“bleuite”, colportée par les services secrets français dont le but était
de faire éclater les rangs de l’ALN, particulièrement dans la
redoutable wilaya III, à l’époque sous la houlette du célèbre colonel
Amirouche.
Les Français ont réussi à faire croire au colonel que les rangs de l’ALN
étaitent infiltrés. Ainsi, l’on a poussé ce dernier à opérer des purges
dans ses troupes. Parmi les victimes de cette machination,se retrouve
l’auteur.
Jusque-là, à travers les différents témoignages, l’on nous a habitués à
des récits sommaires au sujet de cette affaire qui a défrayé la
chronique.
Dans son témoignage, l’auteur nous fait voyager douloureusement à
travers cette triste affaire. Il nous raconte les sévices, les tortures,
les exécutions qu’ont enduré une importante partie des maquisards dont
la plupart étaient l’élite intellectuelle qui avait rejoint l’ALN après
l’appel du FLN du 19 mai.
L’opération de purge a débuté dans la zone 4 de la Basse Kabylie
s’étendant du Djurdjura jusqu’à Dellys. Ladite zone était à l’époque
sous les commandes du capitaine Si Ahcène Mahiouz. “L’opération débuta
après l’arrestation par les forces ennemies du troisième lieutenant Si
El Hocine dans des conditions mystérieuses et énigmatiques jamais
élucidés à ce jour” et de continuer : “Des hommes intègres ont été
arrêtés. Des Moudjahidine de la première heure parmi ceux du Premier
novembre 1954 et parmi eux, ceux qui ont recruté Si Amirouche à son
retour de France”, écrit l’auteur. Il y a eu des parents d’officiers
parmi les premiers dirigeants de la wilaya et notamment des parents de
Saïd Iouazourène dit “Vrirouche”, écrivait l’auteur. Et plus loin :
“L’ennemi avait réussi à infiltrer nos rangs par le courrier et le
service des agents de liaison. Les services secrets français sont
arrivés à reconstituer l’organigramme en introduisant leur courrier
factice dans notre service postal...”.
Quelques jours avant que l’auteur ne soit lui aussi arrêté et torturé
terriblement, le colonel Amirouche lui déclarât au sujet de cette purge
enclenchée : “Vois-tu Salah ? Il y a et il y aura des erreurs, nous
sommes des humains. Ensuite, il y a la vie au maquis. Tu connais, tu
vois et tu vis les conditions dans lesquelles se déroule notre combat
quotidien contre l’ennemi. Avons-nous une base arrière pour pouvoir
enquêter et instruire en toute sécurité et sérénité ce que réclament
toutes ces affaires ? Non ! Evidemment, non ! Nous sommes au front et le
temps est compté. Il faut agir vite, il y va de l’intérêt de la
révolution, il y aura certainement des erreurs. Je les estime à 10% ce
seront des chouhada au même titre que ceux qui seront tués par l’ennemi,
ceux-là mouront de nos mains. Vois-tu, Salah, pour parvenir à la
vérité, atteindre la chair saine pour endiguer la gangrène”.
L’auteur fut arrêté à deux reprises avec des centaines d’autres
moudjahidine. “Inid, inid, inid (parle) !”, lui proférait l’officier qui
tentait de lui extorquer des informations.
“J’étais ensanglanté et ma douleur ne s’atténua pas avec la pause, au
contraire, il me semblait qu’elle s’est amplifiée. J’étais devenu une
loque, on me traîna beaucoup plus qu’on me porta vers une cabane toute
proche. Je m’affalais de tout mon long. A mon réveil, je m’aperçu que la
cabane s’était encore remplie de prisonniers qui s’entassaient les uns
sur les autres en gémissant. Mon corps couvert de plaies sanguinolentes,
de bleus et de bosses et le reste de vêtements qui me couvraient
étaient mouillés et tâchés de sang qui collait à la peau. J’étais
méconnaissable parce que les os de mon visage ont enflé les traits et
provoquaient des gonflements”, témoigne l’auteur.
Et de continuer : “Quelques jours après la mort de Dahmane, je fus
reconduit dans un autre lieu de torture, cette fois-ci situé dans une
vaste clairière avec un bassin d’eau creusé dans le sol. L’eau était
boueuse et jaunâtre. Le capitaine instruisait en personne la séance qui
allait commencer. Tout autour de moi, pendus à des arbres très hauts,
d’autres suppliciés subissaient des sévices autrement plus horribles”,
raconte la victime.
L’auteur qui était étudiant et qui a rejoint les maquis à l’appel du
FLN, continue à travers les pages, à raconter sa descente aux enfers
dans cette opération dont il a été une victime rescapée par la suite.
“Je reçus un coup de baïonnette à la base du crâne. Je vacillais sous le
choc et je pliais le genou. Les cordes qui me liaient au suivant
m’empêchèrent de tomber. Le coup m’a aveuglé et un instant, j’ai tremblé
d’effroi. Ai-je perdu la vue ? Dans ce cas, mon compte est bon. Je
finirais comme mes prédécesseurs. Sous le couteau de l’égorgeur de
service, un Saf-Saf prêt à agir”, raconte terriblement l’auteur.....
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