La question demeure à
ce jour posée, tant le mystère qui a entouré la liquidation de ce chef de
milice, ennemi du peuple algérien et allié
encombrant de l’armée française, n’a pas encore été levé. Tout ce qu’on sait
c’est qu’il a été tué le 23 juillet 1958 au lieu-dit Ras Dhbaa.
La version
propagée par l’armée coloniale et ses supplétifs dit que le «général» Bellounis
aurait été surpris par les troupes françaises au douar Ouled Ameur, suite à la
délation d’un harki connu, insinuant par-là que l’armée coloniale serait à ses
trousses. Une autre version, française toujours, affirme que Bellounis aurait
été fait prisonnier par les Français avant d’être tué, dans sa cellule de
prison, par un codétenu algérien. Ces deux versions sont démontées par des
témoignages concordants qui affirment que le milicien Bellounis a été éliminé,
par des harkis certes, mais suite à la traque menée contre lui par un groupe de
moudjahidine décidé à l’abattre. Tout a commencé, selon cette version, après lé
découverte d’un lot impressionnant de courriers que portait un émissaire de
Bellounis aux chefs de tribus ainsi qu’au commandant de l’ALN Omar Driss,
adjoint du colonel de la wilaya VI, Ahmed Ben Abderazak dit Si El-Houès, pour leur
demander protection, parce qu’il se sentait menacé par des dissidents de son
groupe ou d’ancien messalistes restés fidèle au MNA.
Jusqu’à cette date, le
commandant Driss, d’après cette version des faits, ignorait tout de la
situation du «général» Bellounis. L’émissaire aux mains de moudjahidines leur a
indiqué l’endroit exact où se refugiait le général autoproclamé (lieu-dit Ras
Dhbaa, près de Sidi Ameur), en attente de secours et leur avouèrent qu’il était
bel et bien vivant. Aussitôt Omar Driss ordonna à un groupe de moudjahidine,
d’aller au lieu indiqué, sous la conduite d’El-Aïssaoui, avec pour mission
d’apporter la tête du traitre. A leur arrivée, après quelques jours de marche
ininterrompue, ces moudjahidines se heurtèrent à une grande opération de ratissage
de l’armée française dans les environs, menée par le 11ème Régiment des
parachutistes qui, d’après même le récit d’un auteur français, Jacques Valette,
dans son ouvrage : La Guerre d’Algérie des messalistes 1954/1962, se dirigeait
vers un camp de harkis au lieu-dit Ras Dhbaa. Ainsi, un harki qui accompagnait
les soldats français, à la vue d’un homme étranger emmitouflé dans sa kachabia,
le héla, et celui-ci de se retourner, laissant se dévoiler une mitraillette
sous la kachabia. Alors, le goumier lui tira dessus, le prenant pour un des
moudjahidine de l’ALN dissimulé.
C’est seulement après que le harki en question
et les parachutistes français se seraient rendu compte qu’il s’agissait du
«général» Bellounis. Son corps sera ensuite exposé dans tous les villages de la
région, pour montrer que ce sont les soldats de l’armée française qui l’ont
tué, alors qu’ils l’ont eu par pure hasard. Et ce n’est guère pour autant que
le traitre tué par des balles « amies » sera reconnu comme martyr, loin s’en
faut. Il restera dans l’imaginaire des moudjahidine et de toute la population
algérienne, le symbole de la trahison et de la collaboration avec l’ennemi
colonial. Beaucoup d’ouvrages ont été consacrés, en Algérie et en France, au
parcours de Bellounis.
Le plus récents est le livre de Philippe Gaillard,
intitulé : L’Alliance. La guerre d’Algérie du général Bellounis (1957-1958),
édité chez L’Harmattan en 2009. S’appuyant sur des documents et de témoignages
divers, l’auteur tente de reconstituer la place qu’occupait ce seigneur de
guerre atypique sur l’échiquier de la «guerre d’Algérie», avec ses zones
d’ombres et ses retournements, mais butte toujours sur l’énigme de sa mort. Il
préfère se fier à la version officielle, adoptée par l’historiographie
française, dont on sait qu’elle est tronquée de vérités essentielles.
Des
historiens et auteurs algériens ont aussi consacré des ouvrages à cet épisode
de la guerre de libération nationale, comme Slimane Kassem qui a publié en 2013
: l’Histoire de la wilaya VI, de la création à la fin de Bellounis (1954-1958),
édité à Dar El-Kitab El-Arabi. L’auteur considère la neutralisation de
Bellounis comme un tournant dans la lutte armée, non seulement pour cette
wilaya du Sud, où le chef milicien a érigé son quartier général et son bastion,
mais aussi pour tout le combat libérateur en général. En ce sens que la
disparition de cette poche de contre-révolutionnaire allait permettre une
meilleure communication entre les wilayas limitrophe, et resserrer davantage
l’étau sur l’armée coloniale qui perdait, en Bellounis et ses troupes, leur
meilleur rempart. C’est là la preuve que sa mort ne pouvait faire l’affaire de
l’armée coloniale, comme me prétends les partisans de la version officielle
française.
Adel Fathi
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