Colonel,
je vous ai connu pour la première fois en 1958. Je venais d’arriver
au Maroc, pour soigner une pleurésie double contractée dans les maquis
de Kabylie. vous étiez alors colonel ; chef de Wilaya 5, un titre que
Monsieur BOUSSOUF vous décerna sans que ayez tiré un seul coup de feu
contre les forces françaises.
Originaire du Constantinois et pourtant un nom qui prête à rire et
dont vous ayez toujours honte, vous avez choisi un pseudonyme à
consonance berbère ( houari ), qui devint très vite synonyme de cruauté.
Car, n’ayant pas à combattre contre les forces de l’armée françaises,
vous insultiez et bâtiez les réformés de l’A.L.N. qui n’acceptent pas
de se soumettre, du mois de gaieté de cœur à votre féroce discipline
contre laquelle se sont révoltés bien des officiers valables avec leurs
troupes.
Devenu par la suite (par la veulerie de certains et des intrigues de
BOUSSOUF) chef d’Etat Major de l’A.L.N. Vous ne continuâtes pas moins à
attenter à la dignité de ces mêmes réformés ( souvenez-vous de BERKANE
?), Et surtout à comploter contre le G.P.R.A., autorité suprême de la
révolution. Mais là où vous avez surtout excellé, c’était contre les
Kabyles.
Car, n’ayant tété un peu de savoir à la mamelle égyptienne, vous
craignez que leur amour de la liberté fût pour vous et vos amis un
obstacle sur le chemin du pouvoir et de l’unité avec la R.A.U. de
NASSER. Et pendant que la Kabylie était soumise à toutes les exactions,
vous interdisiez à ses fils de parler leur langue, quand vous leur
refusiez pas les soins que leurs blessures ou leurs haine du berbère
répondait également à un besoin naturel puisque, après avoir tuer
AMIROUCHE et ABANE, vous déclenchâtes contre la Kabylie l’une des plus
terribles et sanglantes répressions qu’elle n’ait jamais connues. Plus
de 20 000 Kabyles, hommes et femmes ont été torturés tandis que des
milliers d’entres eux ont été empoisonnés pour avoir commis le crimes de
réclamer la liberté qu’ils avaient durement payée et de refuser le nom
d’arabe que, de forces, vous vouliez leur coller. Car toute la question
est là.
Il s’agit en effet de savoir si l’Algérie sera une province
égyptienne ou une nation indépendante avec son unité ethnique, grâce au
peuplement berbère et sa situation géographique heureuse. Mais que
gagnerait-elle à être une province ou même une nation arabe ? D’ailleurs
en vertu de quelle loi historique le serait-elle ? Ignorez-vous donc
que l’Afrique du Nord est presque exclusivement peuplée de berbères que
l’on qualifie audacieusement d’Arabes ? Et qu’à l’heure actuelle, près
de 4 millions d’Algériens parlent encore la langue berbère ?
Cette persistance de la race berbère à conserver sa physionomie
particulière, sa langue, son individualité et, le plus souvent même, son
indépendance au milieu des vicissitudes et des révolutions sans nombre
qui ont bouleversé son pays, n’est pas l’un des faits les moins
remarquables de l’histoire africaine et le peuple qui a donné l’instinct
de nationalité aussi vivace mérite certainement de fixer l’attention de
l’observateurs- Essai de grammaire kabyle – ( Général HANOTEAU ).
En liant donc le sort de l’Algérie à celui de l’Egypte, et dans le
cadre étroit de l’arabisme, vous portez une nouvelle fois atteinte à
l’unité du pays.
En voulant aider les nombreux pays arabes contre le petit et vaillant
peuple d’Israël, vous portez un rude coup au prestige international de
l’Algérie, d’autant plus que ces derniers pays n’envoyèrent aucun de
leurs soldats pour combattre aux côtés des Berbères, lors de la guerre
de Libération qui ne dura pas 7 jours mais 7 ans.
Il faut peut-être que votre ardeur guerrière ne vise pas Israêl, mais
répondrait simplement aux nécessités d’une politique intérieure
désastreuse, puisque le chômage est devenu en Algérie une calamité
nationale.
Nonobstant, vous ne tromperez pas longtemps le peuple algérien.
D’ailleurs votre dernière déclaration est, sur ce point, révélatrice.
Vous ne désirez plus, en effet, mobiliser les hommes et les femmes pour
combattre ( on ne sait comment ) les Israéliens, mais “pour défendre,
les armes à la main, la dignité et la souveraineté de notre pays et des
acquis de notre révolution sociale” .
Je ne vous demanderai pas, Colonel, de nous dire qui menace
l’Algérie, puisque je le sais déjà. Mais un jour viendra où le peuple
berbère dans un des sursauts dont il a le secret vous enverra aider
NASSER “à pleurer comme une femmes ce qu’il n’a pas pu défendre comme un
homme” . Et si vous lui donnez des armes, ce sera pour bientôt.
Je vous salut quand même.
l’O.M.O.A ( L’Observateur du Moyen-Orient et de l’Afrique ) 07 Juillet 1967.)
Source: http://algerienetwork.com
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire