Lettre ouverte à Nafa KIRECHE
Ministre du Gouvernement Provisoire de Kabylie (GPK)
Chargé des relations avec les institutions françaises
Objet : réponse à une calomnie
Monsieur le Ministre,
Le
14 décembre 2013, vous étiez intervenant au séminaire sur
l’officialisation de Tamazight en Algérie organisé par
Berbère-Télévision. Vous y étiez invité par cette chaîne et par Madjid
Boumekla membre du comité rédacteur de la pétition réclamant
l’officialisation de Tamazight en Algérie que vous ne cessez de
vilipender. Dans l’esprit de tous, vous étiez là pour apporter votre
point de vue discordant étant donné que vous et vos amis, vous êtes
contre cette démarche et vous faites tout ce qui est en votre pouvoir
pour torpiller la campagne de signatures, ce que je peux à la limite
admettre.
L’occasion vous était donc donnée
d’expliquer votre position, démonstration à l’appui, devant le public
venu nombreux et devant des milliers de téléspectateurs d’ici, de
Kabylie et d’ailleurs. Au lieu de cela, sans doute faute d’arguments,
vous avez choisi de répandre votre fiel de façon inélégante sur ma
personne dans une violente diatribe qui n’est autre chose que de la
dénonciation calomnieuse. D’avoir fait partie du groupe rédacteur de la
pétition suffit, à vos yeux, que je devienne l’ennemi à abattre par vous
et par les officines du web de votre mouvance et particulièrement le
site dirigé par une musulmane convertie au christianisme mais toujours
habitée de l’hystérie salafiste au lieu de s’imprégner de l’éthique
chrétienne faite de bonté et d’amour. Des officines qui n’ont retenu de
toutes les brillantes interventions des un(e)s et des autres (une
trentaine de linguistes, thérapeutes, historiens, sociologues,
militants, etc.) que ceci et je cite : « Le fait marquant
de cette journée est l'intervention musclée et remarquée de Nafa
Kirèche, ministre des relations avec la France du GPK, qui n'a pas
hésité à qualifier "d'enfumage" les démarches consistant à faire de
Tamazight une langue officielle en Algérie,… Il a notamment ciblé Hacène Hirèche, présent dans la salle, affirmant "qu'il s'était mis à genoux devant Bouteflika"».
Naturellement, la ou les personnes qui ont réduit ce colloque à cette
éructation d’un ministre irresponsable s’autoproclament journalistes
professionnels ce qui donne un avant goût de ce que peut être la presse
de la Kabylie que vous projetez !
Monsieur le
Ministre, Freud et beaucoup de thérapeutes ont depuis longtemps
identifié, sous le nom de « compulsion de répétition », la tendance
irrépressible qui, parfois, conduit l’individu ou un groupe à reproduire
systématiquement les mêmes erreurs, à son corps défendant. Même bien
identifiés, ces traits de caractères, ces erreurs, surtout chez certains
hommes politiques, ont une incroyable tendance à perdurer et à
ressurgir lorsque cet individu ou ce groupe est confronté à ce que
certains psychanalystes appellent des « situations-gâchettes».
Monsieur
le Ministre, j’ai cru comprendre pourtant, et je ne suis pas le seul,
que votre rôle au sein du GPK est de faire du lobbying (au sens positif)
auprès des institutions françaises. Dans ce cadre éminemment
stratégique, vous êtes logiquement sensé vous mobiliser pour:
- Que la politique de la France, jusque-là pro-arabocentriste, cesse de marginaliser les Kabyles et la Kabylie et qu’elle témoigne un minimum de solidarité envers une communauté qui a largement contribué au redressement de la France et à son rayonnement international.
- Que les institutions françaises utilisent toutes les marges de manœuvre possibles afin d’enclencher une coopération décentralisée au profit de cette région francophile et francophone et dont un à deux millions de ressortissants résident dans l’hexagone.
- Mettre sur pied un plan sérieux et durable d’échanges entre universitaires, syndicalistes, entrepreneurs, médecins, associatifs, artistes, élus locaux, etc. des deux peuples en leur facilitant visas, formations, documentations, stages pratiques, bourses et que sais-je encore ?
- Offrir aux lycéens qui choisissent l’option berbère au Bac des cours de préparation dans leur propre lycée, créer un CAPES en berbère et ouvrir des départements pour l’enseignement de cette langue dans les universités où se concentrent les jeunes Franco-kabyles.
- Agir avec courage pour que l’Institut français de Tizi-Ouzou ne soit plus en souffrance alors que ceux d’Alger, d’Oran, de Constantine, d’Annaba et de Tlemcen ont ouvert leurs portes au public sans encombre. Envisager d’en ouvrir également dans tous les chefs-lieux de wilaya de Kabylie.
- Ouvrir France 24 à la langue berbère et introduire cette langue à RFI qui diffuse déjà en une quinzaine de langues étrangères notamment vers l’Afrique.
- Propulser des Franco-kabyles comme têtes de pont entre la France et l’Afrique du nord…
- Réagir avec vigueur et arguments à l’appui au récent rapport qui préconise "la valorisation de l'enseignement de l'arabe en l'introduisant dans les meilleures écoles et lycées", au détriment du berbère, etc.
Ce
ne sont là que quelques pistes simples de travail d’une politique qui
rendrait justice à la Kabylie tout en servant les intérêts de nos pays
d’accueil et d’origine et tout en donnant de la crédibilité au
gouvernement qui vous a confié un poste sensible, majeur, stratégique.
Au
lieu de faire ce travail avec discrétion et efficacité, en recherchant
une alliance large avec tous les courants partageant l’idée d’une
Kabylie moderne, vous avez choisi l’infamante facilité d’insulter les
gens les plus proches de vos idéaux, mais c’est vrai aussi, les plus
éloignés de vos pratiques. Vous avez préféré vous en tenir à une posture
de l’esbroufe, au déshonneur, de l’excitation pour vous donner une
allure de militant radical !
Monsieur le Ministre,
j’ose espérer que vous regarderez la vidéo (désormais sur YouTube) dans
laquelle vous avez commis votre injure publique envers moi. Vous y
découvrirez par vous-même quelques traits de votre caractère qui font de
vous un ministre indigne de collaborer avec Ferhat Mehenni, Bouaziz
Aït-Chebib, Lahcen Ziani et d’autres que vous discréditez. Au risque de
m’aventurer sur le terrain de la déformation professionnelle, voici
quelques éléments qui ressortent de vos réactions et qui pourront vous
éclairer sur des changements que vous serez bien inspiré d’envisager.
Vous donnez l’impression : d’un paranoïaque parce que vous vivez toute
action des autres comme une offense contre votre personne ; d’un
obsessionnel qui s’attache à des détails de forme au détriment du fond,
de l’essentiel ; d’un narcissique qui tire la couverture à lui en toute
occasion ; d’un anxieux qui houspille pour un oui ou pour un non et j’en
arrête là pour cette fois !
Monsieur le Ministre,
j’ose espérer que vous serez recadré avec vigueur par vos responsables
et par vos collègues comme j’ose espérer qu’un sursaut salvateur vous
fera revenir à une paix intérieure, condition sine qua non pour
gagner la confiance de celles et de ceux pour qui vous avez l’ambition
de préparer un « avenir radieux » pour reprendre l’expression
d’Alexandre Zinoviev.
Je vous prie d’agréer,
Monsieur le Ministre, chargé des relations avec les institutions
françaises, l’expression de la considération que vous méritez.
Hacène HIRECHE,
Enseignant de Tamazight et de neurolinguistique
Membre rédacteur de la pétition « Tamazight langue officielle »
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