Par Dépêche de
| 24 Juin 2007 |
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Au fond de ce témoignage, la confusion
demeure sur les véritables assassins de ce chanteur, qui a su
révolutionner et contribuer considérablement à la renaissance de
l’identité berbère et au maintien de la République en Algérie.
Matoub
Lounès, né le 24 janvier 1956 à Taourirt Moussa dans la commune des Ath
Douala, a été assassiné le 25 janvier 1998, vers 13h 30 à Tala Bounane,
à quelques kilomètres de son village.
Nadia
Matoub et ses deux sœurs sont les seuls véritables témoins de ce lâche
assassinat que la population n’a toujours pas digéré, 9 ans après. Un
assassinat qui a mis à feu et à sang toute la Kabylie durant l’été 1998,
et durant les évènements du Printemps noir, entre 2001 et 2004. Il faut
préciser que, toutes les révoltes et les agitations vécues par la
Kabylie, ces dernière années, ont eu pour origine l’assassinat de Matoub
Lounès.
En attentant à la vie de Matoub, ses
assassins croyaient étouffer à jamais la voix de cet homme exceptionnel
qui dérangeait plus d’un. Ses bourreaux se sont trompés. Même mort
Matoub, jouit de la même aura et dérange toujours autant il met à nu le
machiavélisme, les corrompus et les imposteurs. Même mort, il influence
la vie quotidienne de la Kablylie et de l’Algérie, et il restera pour
longtemps, tel un mirador inébranlable, qui indiquera de là haut, la
voie et les moyens à suivre pour “les patriotes de toutes les patries
opprimées”.
A travers son témoignage bouleversant
Nadia Matoub nous parle de l’état d’esprit de Lounès le jour de son
assassinat. Connu pour sa sensibilité exceptionnelle, il avait le
pressentiment que quelque chose de grave se produirait. Ce jour
fatidique : “On s’est réveillé vers 9 h Lounès était oppressé, très
nerveux, alors qu’il s’était endormi dans le plaisir que laissaient
présager les semaines à venir. Mais à plusieurs reprises, il devient
brusquement abattu, comme s’il affirmait un pressentiment. Il pouvait
être excité, rayonnant et d’un seul coup basculer dans une angoisse
indicible”, écrivait Nadia Matoub.
Lors de son
déjeuner à l’hôtel le Concorde de Tizi Ouzou avec son épouse et ses deux
belles-sœurs “Lounès porte son costume bleu sur une chemise rose pâle
ouverte. Ses admirateurs souriants l’enlacent familièrement, lui, ne
parvient pas vraiment à sourire, il a l’air exténué, les traits tirés,
le front moite et une lueur de désarroi dans le regard”, décrit Nadia.
Après
avoir offert le symbole de l’identité kabyle un “Z” berbère qu’il
portait à la boutonnière, à sa femme, Matoub et son groupe, quittent
l’hôtel “le Concorde” à 12h50 mn exactement.
Matoub rencontre ses assassins, sous l’hymne Qassamen - Agheru
Aussitôt
en voiture, Matoub a mis à fond la cassette de son dernier album.
“Juste, après l’intersection, sur la route à deux voies, on a croisé un
tracteur et peut-être deux ou trois voitures, puis, plus rien. Pas le
moindre véhicule. Pourtant à l’heure du déjeuner, il y a toujours du
trafic sur cette route, la principale reliant Tizi Ouzou à Taourirt
Moussa. Nous n’avons pas pensé une seconde que ce silence pouvait cacher
quelque chose de suspect. Puis, d’un seul coup, un bruit insolite,
comme une sourde pétarade, s’est mêlé à la mélodie, c’était la chanson
“Lettre ouverte” qui passait, celle où Lounès reprend l’hymne national
algérien avec des paroles à lui. Il allait dans un virage très serré,
difficile à négocier, on ne peut le prendre qu’en seconde. Je portais la
kalachnikov (arme à feu NDLR) de Lounès sur mes genoux” raconte Nadia
Matoub.
Matoub est mort “D. Argaz” les armes à la main
A
Nadia Matoub de poursuivre son récit émouvant : “…J’ai réalisé qu’on
nous tirait dessus. Les salves provenaient des deux côtés de la route.
J’ai ramassé la Kalachnikov pour la tendre à Lounès et au même moment,
j’ai découvert que mon visage était en sang”.
Lounès
n’a pas saisi immédiatement l’arme, mais a tenté de relancer le moteur
alors qu’on nous tirait dessus sans interruption. “Démarre Matoub !
Démarre !” criaient derrière les belles-sœurs de Lounès. Il a jeté un
regard desespéré vers l’une d’elles, car le moteur a été touché, et il
savait qu’ils ne s’en sortiront pas. Matoub a pris la mitraillette et a
commencé à tirer par la fenêtre vers le talus et les arbres surplombant
la route. Plusieurs minutes après, Lounès tirait toujours et criait à
l’endroit des jeunes filles “baissez-vous ! Baissez la tête !”
En
tentant de descendre de la voiture, un autre groupe repéré par Ouarda,
l’une des sœurs de Nadia, tire. Matoub est empêché par sa femme de
sortir, en pensant qu’il y a plus de chance de survivre en restant à
l’intérieur. “Ouarda hurlait : “ils sont derrière ! Ils viennent !” “Je
les ai vus !” répondait Lounès Matoub qui s’est mis à leur tirer dessus
depuis son siège. Lounès change de chargeur, c’était la dernière image
que Nadia a conservé de lui, avant de perdre connaissance.
Quand
Matoub s’est retrouvé à court de munitions pour la kalachnikov, il a
pris le pistolet qui était dans le vide poche de la voiture”. Puis tout
d’un coup, Lounès a été projeté vers l’intérieur de la voiture, touché
par une rafale. C’était les dernières secondes de l’extraordinaire
héroïsme de Lounès, face à ses lâches assassins.
Mourad Hammami
Article paru dans la Dépêche de Kabylie
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