“Le plus grand danger de cette loi est la précision de la nature des relations entre ces associations et les ONG étrangères.”

À un mois de l’expiration du délai accordé par les pouvoirs publics aux associations pour se conformer aux dispositions de la nouvelle loi, élaborée et adoptée dans la foulée de ce qui est appelé “Printemps arabe”, des associations continuent de mobiliser leurs troupes et de sensibiliser l’opinion sur le caractère “scélérat” du nouveau texte, qualifié à l’unisson de “loi d’indigénat”. “La société civile est considérée comme un danger”, soutient Me Aïssa Rahmoune, membre de la direction de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (Laddh). Lors d’une rencontre-débat organisée  jeudi à Alger par cette ONG autour de la thématique “La nouvelle loi sur les associations rend-elle possible une société civile libre, autonome et responsable ?”, nombre de participants n’ont pas manqué de dénoncer le nouveau texte conçu par les autorités pour se prémunir de la vague du Printemps arabe qui a balayé beaucoup de régimes despotiques arabes, selon une ancienne députée. Ce nouveau texte qui fixe pour le 12 janvier prochain le dernier délai pour les associations pour se conformer aux nouvelles dispositions interdit, à titre d’exemple, aux associations “de s’ingérer dans les affaires de l’État sous peine de dissolution”, rappelle Aïssa Rahmoune.

“Le plus grand danger de cette loi est la précision de la nature des relations entre ces associations et les ONG étrangères”, relève, pour sa part, le sociologue Zoubir Arrous. Autres dangers, selon lui : l’article afférent aux financements étrangers et les sanctions qui pèsent sur les associations “qui travaillent contre les constantes nationales”. Pour Zoubir Arrous, “l’espace public est un droit pour l’exercice politique”.
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6 et 7 décembre, Me Benissad n’a pas lésiné sur les vocables pour prononcer un réquisitoire contre le nouveau texte. “Ils (les pouvoirs publics, ndlr) ont exploité le contexte de 2011 pour nous faire passer la pilule. La loi était prête depuis 2008. Il y a un recul par rapport à la loi de 1990. Avant, c’était un régime déclaratif, aujourd’hui, ils vont délivrer l’agrément à qui ils veulent. Il y a une volonté politique pour contrôler la société civile”, soutient Me Benissad. Pour nombre d’intervenants, le problème en Algérie n’est pas tant dans les textes que dans leur application, suggérant que “les erreurs des associations se corrigent non pas par de nouveaux textes, mais par l’application de l’ancienne loi”.

Dans ce contexte, les exemples sont légion sur ces associations qui tordent le coup à la loi en raison de leur proximité avec le pouvoir. Interrogé sur le rôle de l’État dans le contrôle du financement étranger des associations, Me Benissad a indiqué qu’il “est du ressort de l’État de subventionner les associations”. “Mais le pouvoir ne doit pas dicter sa politique aux associations”, précise-t-il. “On ne reçoit pas de financement étranger, mais il y a une coopération avec les ONG étrangères. Même le gouvernement le fait sans qu’on l’accuse d’intelligence avec l’ennemi”, observe-t-il encore. “La mentalité du parti unique est toujours en vigueur. En 1989 déjà, il n’y avait pas de volonté d’aller vers le multipartisme”, fustige Zoubir Arrous.

“On est dans une phase de reproduction de l’ancienne élite. J’ai peur qu’on rentre dans un changement dans le chaos, car il n’y a pas d’encadrement de la société. Voilà le vrai danger”, conclut le sociologue. Selon Abdelwahab Fersaoui dont l’association, RAJ, a lancé une pétition pour l’abrogation de cette loi, des entraves sont même dressées devant les associations qui cherchent à se conformer aux nouvelles dispositions. 

“On n’a même pas reçu l’autorisation pour nous réunir, alors que le service chargé des associations au niveau du ministère de l’Intérieur ne répond même pas à nos appels”, affirme le président du RAJ. Dès lors, il faut s’attendre à ce que plusieurs associations disparaissent à compter de l’expiration du délai pour leur mise en conformité avec le nouveau texte. Plusieurs ONG étrangères et locales, comme la CNCPPDH ainsi que des partis politiques ont tiré la sonnette d’alarme sur la régression qui caractérise la nouvelle loi sur les associations.

 Karim Kebir
Source: Journal Liberté

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