L'implantation d'un coeur artificiel chez un patient, réalisée le 18
décembre à Paris par le professeur Christian Latrémouille et son équipe,
constitue une triple prouesse : médicale, puisque c'est une première
mondiale ; économique, car elle associe recherche scientifique et
innovation industrielle et financière ; française enfin, dans un pays
plus enclin à ressasser son déclin que ses progrès.
Pour le professeur Alain Carpentier, qui a conçu ce coeur, c'est
d'abord un aboutissement. Il lui aura fallu un quart de siècle pour que
son rêve devienne réalité. On ne saurait trop saluer le mérite et la
ténacité de ce médecin, qui avait déjà révolutionné sa discipline en
concevant des valves mieux tolérées par les patients ou en invitant
l'ordinateur dans le bloc opératoire. C'est également une promesse :
même s'il faut attendre que d'autres patients reçoivent et tolèrent ce
greffon d'un nouveau genre pour confirmer son efficacité, la voie est
désormais ouverte.
L'histoire de la médecine est jalonnée de ces moments décisifs où des
pionniers prennent la responsabilité et le risque d'oser. On se
souvient de la première greffe du coeur réalisée par le professeur
sud-africain Christiaan Barnard en 1967. Le patient, Louis Washkansky,
succomba 18 jours plus tard d'une pneumonie. Mais, depuis, des dizaines
de milliers de personnes en sursis ont été sauvées par ce type de
greffe. L'enjeu est aujourd'hui le même : redonner un coeur à des
patients alors que les listes d'attente de greffons s'allongent de façon
dramatique, partout dans le monde.
Ce défi médical se double d'un pari industriel : si le coeur
développé par la société Carmat confirme ses capacités, c'est un marché
potentiel de plusieurs milliards d'euros qui s'ouvrira à lui (100000
malades en Europe et aux Etats-unis, pour un coût de la prothèse de
160000 euros). Les investisseurs qui ont misé sur cette société cotée
verront leur audace récompensée.
Le coeur artificiel du professeur Carpentier est, en outre, le fruit
d'une extraordinaire aventure « made in France ». Elle associe un «
patron » de l'hôpital public et un capitaine d'industrie, Jean-Luc
Lagardère, PDG de Matra, qui décida de le soutenir. Mais aussi des
ingénieurs et des médecins qui ont poursuivi leur collaboration après la
mort du mécène. Enfin des business angels, des fonds publics
(33 millions d'euros d'Oseo, après bénédiction européenne) et des
crédits d'impôt recherche (5 millions en 2013).
Est-ce la recette pour d'autres premières ? Dans une lettre adressée à
Alain Carpentier et à ses collègues, François Hollande souligne que « la France peut être fière de cette action exceptionnelle au service du progrès humain ».
Fierté légitime. Mais il y a quelques jours, l'Académie des sciences
lançait un cri d'alarme à propos des réductions de crédits affectant la
recherche. « Une recherche de haut niveau est le meilleur espoir de notre économie », concluait-elle. Le coeur artificiel en est un exemple. Il ne faudrait pas qu'il reste exceptionnel.
Source: Journal le Monde
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Medecine: La France invente le cœur artificiel
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