A l’occasion de la journée mondiale des droits de l’Homme ce mardi, «20 Minutes» fait le point sur le cas du premier prisonnier d’opinion en Tunisie depuis la chute de Ben Ali, Jabeur Mejri, condamné à 7 ans et demi de prison pour des publications sur Facebook jugées insultantes envers l’islam...
Amnesty International le considère comme
le premier prisonnier d’opinion en Tunisie depuis la chute de l’ancien
président, Zine el-Abidine Ben Ali, en janvier 2011. Jabeur Mejri, jeune
chômeur et militant athée, a été condamné à 7 ans et demi de prison
ferme et 550 euros d’amende le 28 mars 2012 pour avoir publié sur sa
page Facebook des textes et des caricatures jugés insultants envers
l’islam. C’est la peine la plus lourde possible pour les faits qui lui
sont reprochés.
«Je ne reconnais pas la religion islamique et je suis athée»,
avait-il expliqué à la police. Le tribunal l’a déclaré coupable de
«diffusion d’un travail écrit visant à perturber l’ordre public» et
d’«outrage aux valeurs sacrées à travers des actions et des mots ». Sa
condamnation ayant été confirmée en appel, Jabeur Mejri n’a plus
aujourd’hui que l’espoir d’une grâce présidentielle, demandée en août
dernier.
Promesse de grâce présidentielle
Le 6 novembre, le président tunisien, Moncef Marzouki, s’est engagé sur France Info à le faire libérer.
Sans donner de date. «Je vais le faire libérer. J'attends simplement
une accalmie politique, a déclaré Marzouki. Actuellement il y a des
tensions énormes, il y a ce combat contre le terrorisme, je ne veux pas
que cette libération puisse soulever des débats. Mais je vais le
libérer, je cherche simplement la bonne fenêtre de lancement à la fois
pour sa sécurité et la sécurité du pays».
«Ça n’a pas de sens! Il faut qu’il le fasse libérer immédiatement»,
s’agace le directeur de la section tunisienne d’Amnesty International,
Lotfi Azzouz. L’ONG, qui mène une campagne internationale pour les droits humains jusqu’au 16 décembre,
entend «continuer à faire pression» sur le gouvernement tunisien en
récoltant des signatures pour sa libération. Grâce à la solidarité
internationale, les conditions de détention de Jabeur Mejri se sont un
peu améliorées. «Au début il était incarcéré avec une cinquantaine
d’autres prisonniers d’ordre public. Il est désormais dans une cellule
avec 4 ou 5 personnes», précise Lotfi Azzouz.
«Régression des acquis de la révolution»
Selon lui, le cas de Jabeur Mejri est représentatif de la «régression
des acquis de la révolution» et de la menace qui pèse sur la liberté
d’expression. «La révolution a permis d’obtenir une liberté d’expression
presque totale. Mais aujourd’hui, le gouvernement veut la limiter. La
Tunisie a fait un pas en avant, deux pas en arrière». Le gouvernement
compte notamment créer une agence technique de communication. «Le but
est de contrôler internet et les communications», s’inquiète Lofti
Azzouz.
Il accuse également les autorités de passivité face aux menaces
envers les activistes et les journalistes. «Sous Ben Ali, on ne pouvait
pas critiquer la politique mais on pouvait critiquer la religion.
Aujourd’hui c’est l’inverse. Des journalistes et des activistes sont
attaqués – par exemple par des groupes salafistes - mais le gouvernement
ne réagit pas».
Depuis l’incarcération de Jabeur Mejri, d’autres personnes, dont le rappeur Weld El 15 et des journalistes, ont été condamnées pour avoir «usé de leur liberté d’expression», selon l’ONG de défense des droits de l’Homme. Près
de trois ans après la révolution, la police, la justice et le
gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda sont régulièrement
accusés de chercher à la contrôler, alors qu'aucune réforme de fond du
système judiciaire et des forces de l'ordre n'a été entreprise.
Source: 20 mn.fr
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