Les travaux de la grande mosquée d’Alger ont débuté le 16 août. Souhaité par le président Bouteflika, ce monument aux dimensions - et au budget -  titanesques n’est pas du goût de tous les Algériens. Loin de là.








  • Un coût faramineux
La construction de la grande mosquée, qui doit être livrée au deuxième semestre 2015, représente un investissement considérable. Elle devrait coûter un peu plus d’un milliard d’euros, soit 1,5 milliard de dollars, à l’État algérien. « Le coût du projet est définitif et nous n’ajouterons aucun centime », a récemment tenté de rassurer le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah. À cela s’ajouteront plusieurs millions d’euros annuels d’entretien et de salaires pour les employés qui y travailleront. Le chiffre a donc du mal à passer chez de nombreux Algériens qui ont du mal à boucler les fins de mois. Dans un pays où les problèmes de logement ou de santé publique sont patents, beaucoup auraient aimé voir cette somme d’argent colossale investie dans des secteurs sociaux, jugés prioritaires.
Dans un pays où les problèmes de logement ou de santé publique sont patents, beaucoup auraient aimé voir cette somme d’argent colossale investie dans des secteurs jugés prioritaires. 
 
  • Des Chinois plutôt que des Algériens
La réalisation de la grande mosquée d'Alger a été confiée à la société chinoise China State Construction Engineering Corporation (CSCEC). Les premières opérations de coulage des fondations en béton ont commencé le 16 août, après une cérémonie de lancement des travaux. Des centaines d’employés chinois étaient disposés en rang d’oignons, applaudissant les discours du ministre Ghlamallah et du directeur général de l’agence nationale de réalisation de la mosquée (Anagerma), Mohamed Lakhdar Alloui. Côté chinois, l’ambassadeur de l’Empire du Milieu à Alger, Liu Yuhe, et le PDG adjoint de CSCEC, Zhou Sheng, étaient également présents.
Comme pour la réalisation de l’autoroute Est-Ouest, des milliers d’ouvriers chinois débarqueront sur le sol algérien pour accomplir les travaux. Au début du projet, Mohammed Lakhdar Alloui avait assuré que la construction de la Grande Mosquée allait « générer 17 000 emplois dont 10 000 pour des Algériens ». Il y a quelques jours, alors que les premiers mètres cubes de béton venaient tout juste d’être coulés, le PDG d’Air Algérie a quelque peu nuancé le tableau en inversant le ratio. D’après Mohamed Salah Boultif, la compagnie aérienne nationale aurait en effet passé un accord avec CSCEC pour transporter 10 000 ouvriers chinois jusqu’à Alger… Pourtant, le taux de chômage dépasse allègrement les 10% en Algérie et un jeune sur quatre « tient les murs », en attendant de trouver un emploi.
 
La grande mosquée va être érigée dans le quartier Mohammadia, dans la banlieue est d’Alger. Selon des scientifiques algériens, ce terrain est exposé aux risques sismiques et est donc « non-conforme » à la construction d’un tel monument. Comme le rapporte le quotidien El Watan,  Bouadballah Ghlamallah s’est empressé de contrer ces accusations lors de la cérémonie de lancement des travaux. « Des personnes qui ne sont pas habilitées s’expriment sur le choix du terrain alors que nous avons fait appel à des spécialistes issus de pays à forte activité sismique, notamment du Japon et des États-Unis, qui ont tous conclu que la qualité du sol est tout à fait appropriée et sa résistance  formidable », a-t-il déclaré. « Même si un séisme de 9 sur l’échelle de Richter survenait, la construction ne subirait le choc que d’un niveau 3 sur la même échelle, grâce à un système parasismique. Ce système réduit la puissance du séisme de 70% », a-t-il poursuivi.
 
  • 120 000 places… pour combien de fidèles ?
Djamaâ El Djazaïr sera dotée d’une salle de prière de 120 000 places. Cette capacité d’accueil hors-norme suscite déjà l’ironie de beaucoup d’Algérois. À moins de faire venir des milliers de fidèles par convois spéciaux, la gigantesque salle de prière risque d’être étonnamment vide. Située à Mohammadia, dans l’est de la capitale, la grande mosquée sera à une petite dizaine de km de la place du 1er mai. Quand on connaît les problèmes de circulation dans la Ville Blanche, pas sûr que l’affluence batte des records. Sans compter que les gens ont souvent leurs habitudes dans les nombreuses autres mosquées d’Alger. Il n’y a qu’à observer la faible fréquentation de la mosquée Hassan II à Casablanca, pourtant relativement centrale, pour se faire une idée de celle de sa future cousine algéroise.
  • À la gloire de Bouteflika ?
Pour nombre d’Algériens, pas de doute : Djamaâ El Djazaïr est un caprice du président Abdelaziz Bouteflika.
Pour nombre d’Algériens, pas de doute : Djamaâ El Djazaïr est un caprice du président Abdelaziz Bouteflika. Un peu comme Hassan II avec sa mosquée de Casablanca, il est accusé d’avoir voulu ériger une œuvre monumentale à sa gloire. Pour la petite histoire, les architectes allemands de la future mosquée ont bien pris soin de réaliser un minaret plus haut que celui du frère ennemi marocain (265 mètres contre 210 mètres...).
 
Avec ce dernier grand chantier, le président Bouteflika voudrait ainsi durablement marquer la capitale de son empreinte. À la tête de l’État algérien depuis 1999, il ne briguera pas de quatrième mandat en 2014. Il n’aura plus qu’à attendre sagement le deuxième semestre 2015, date prévue de la livraison de « sa » grande mosquée. 

Source: Jeuneafrique.com

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